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« Car dire que l’homme veut une chose parce qu’il la veut, c’est ne rien dire, c’est supposer que le néant produit un effet. Il est évident que c’est un motif, une raison qui le détermine à vouloir cette chose, et de raisons en raisons, qui sont déterminées les unes par les autres, la volonté de l’homme est invinciblement nécessitée de faire telles ou telles actions pendant tout le cours de sa vie, dont la fin est celle du coup de dé.

« Aimons Dieu, non pas qu’il l’exige de nous, mais parce qu’il est souverainement bon, et ne craignons que les hommes et leurs lois. Respectons ces lois, parce qu’elles sont nécessaires au bien public, dont chacun de nous fait partie.

« Voilà, madame, ajouta l’abbé T…, ce que mon amitié pour vous m’a arraché sur le chapitre des religions. C’est le fruit de vingt années de travail, de veilles et de méditations, pendant lesquelles j’ai cherché de bonne foi à distinguer la vérité du mensonge.

« Concluons donc, ma chère amie, que les plaisirs que nous goûtons, vous et moi, sont purs, sont innocents, puisqu’ils ne blessent ni Dieu, ni les hommes, par le secret et la décence que nous mettons dans notre conduite. Sans ces deux conditions, je