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« Suivant la religion chrétienne, il faut tendre à la plus grande perfection. L’état de virginité, suivant elle, est plus parfait que celui du mariage : or il est évident que la perfection de la religion chrétienne tend à la destruction du genre humain. Si les efforts, les discours des prêtres réussissaient, dans soixante ou quatre-vingts ans le genre humain serait détruit. Cette religion peut-elle être de Dieu ?

« Est-il rien de si absurde que de faire prier Dieu pour soi par des prêtres, par des moines, par d’autres personnes ? On juge de Dieu comme on juge des rois.

« Quel excès de folie de croire que Dieu nous a fait naître pour que nous ne fassions que ce qui est contre nature, que ce qui peut nous rendre malheureux dans ce monde, en exigeant que nous nous refusions tout ce qui satisfait les sens, les appétits qu’il nous a donnés ! Que pourrait faire de plus un tyran acharné à nous persécuter depuis l’instant de notre naissance jusqu’à celui de notre mort ?

« Pour être parfait chrétien, il faut être ignorant, croire aveuglément, renoncer à tous les plaisirs, aux honneurs, aux richesses, abandonner ses parents, ses amis, garder sa virginité ; en un mot, faire tout ce qui est contre nature. Cependant cette nature n’opère sûrement que par la volonté de Dieu. Quelle contra-