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que nous abuserions de ses grâces et que nous commettrions ces mêmes actions ; il résulte néanmoins de cette connaissance que Dieu, en nous faisant naître, savait déjà que nous serions infailliblement damnés et éternellement malheureux.

« On voit, dans l’Écriture sainte, que Dieu a envoyé des prophètes pour avertir les hommes et les engager à changer de conduite. Or Dieu, qui sait tout, n’ignorait pas que les hommes ne changeraient point de conduite. Donc l’Écriture sainte suppose que Dieu est un trompeur. Ces idées peuvent-elles s’accorder avec la certitude que nous avons de la bonté infinie de Dieu ?

« On suppose à Dieu, qui est tout-puissant, un rival dangereux dans le diable, qui lui enlève sans cesse, malgré lui, les trois quarts du petit nombre des hommes qu’il a choisis, pour lesquels son fils s’est sacrifié, sans s’embarrasser du reste du genre humain. Quelles pitoyables absurdités !

« Suivant la religion chrétienne, nous ne péchons que par la tentation ; c’est le diable, dit-on, qui nous tente. Dieu n’avait qu’à anéantir le diable : nous serions tous sauvés ; il y a bien de l’injustice ou de l’impuissance de sa part.

« Une assez grande partie des ministres de la religion catholique prétend que Dieu nous donne des