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du beau sexe ; en vain lui prodigue-t-on les noms d’ambitieux, d’indiscret, de partial, de capricieux : malgré tous ces défauts dont ou on l’accuse, les dames sont en possession de tout tems, & dans toutes les cours, d’être les principaux mobiles des grands événemens.

Aussi dit un excellent auteur [1], le sage courtisan se garde bien d’en avoir quelqu’une pour ennemie, ni même de parler contr’elles en général. Malheur à ceux qui les regardent comme un sexe foible & infirme.

Il n’est point d’ennemi aussi dangereux qu’une femme. Celle qui croit n’avoir pas assez de pouvoir ou de crédit pour nuire, sçait s’unir habilement avec quelqu’autre. Un ministre adroit, qui ménage les intérêts de son maître, est un novice auprès d’une femme outragée & qui cherche à se venger. Les dames sont d’autant moins faciles à s’appaiser, lorsqu’elles se croyent offensées, qu’elles sont persuadées que le pardon d’une offense sont des vertus imaginaires.

Quand une femme est personnellement intéressée dans une affaire d’état ou dans une conjuration, il semble que la nature chez elle fait un effort surprenant, & qu’elle change son essence. Elle devient

  1. Saint-Evremont.