Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

coup dans ce petit tripot littéraire. J’eus hier la douleur d’entendre dans demi-heure de tems que j’y restai, plus d’impertinences & d’absurdités que n’en ont jamais écrit la moitié des théologiens Espagnols.

Deux choses sont les causes de l’ignorance des Piémontois : leur caractère vain & paresseux, & la soumission à laquelle l’inquisition les réduit. Dès qu’ils entendent le Latin de la bible ou celui du missel, ils se regardent comme des sçavans de la première classe : ils se félicitent eux-mêmes des efforts de leur imagination ; & ne peuvent comprendre comment leur esprit a pû s’élever à ce point de perfection. Il seroit dangereux pour eux de vouloir pénétrer plus avant : la moindre lueur qui dissiperoit leurs ténèbres, pourroit leur attirer l’indignation de l’inquisition. L’ignorance chez les moines est la base de la tranquillité.

Les Piémontois n’ont point assez de vivacité pour se distinguer dans les ouvrages des belles-lettres : ils ne peuvent approcher des auteurs qu’ont produit les autres contrées Italiennes ; il y a plus de différence pour le feu de l’imagination, d’un Florentin à un Piémontois, que d’un François à un Moscovite.

Je ne sçaurois deviner la cause d’une pareille dissemblance ; & si je ne m’étois éclairci