Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’en déposant mes pensées secrettes dans ton sein, je les enferme dans le séjour de la vérité & du silence. Lorsque je considère dans certain pays un nombre de gens faisant profession d’une religion différente ; que je les reconnois tous honnêtes-gens ; que j’examine leurs mœurs ; & que je les vois remplis de candeur & de bonne-foi : je ne puis m’imaginer que Dieu, juste dans ses arrêts, & miséricordieux dans ses graces, punisse des hommes, qui, obéissant au législateur interne, je veux dire à la loi de la nature, & à celle de la conscience, n’ont fait d’autres crimes que de suivre la religion de leurs parens dans laquelle ils sont nés. Dépendoit-il d’eux de recevoir la vie d’un pere plutôt que d’un autre ? Je trouve qu’il y a de la barbarie dans la décision que nos rabbins ont porté sur le sort des nazaréens après leur mort.

Je vais prévenir, mon cher Isaac, les raisons que tu pourrois m’opposer.

De l’existence de Dieu s’ensuit la nécessité de le servir. Le culte qu’on doit lui rendre a été réglé par lui-même. Ainsi l’on ne peut s’en écarter sans pécher. Cet argument est commun à toutes les religions. Elles croyent toutes être dans le culte prescrit par la bouche divine. Ainsi, en répondant à nos rabbins, je