Il est plusieurs autres endroits dans ce livre, marqués avec autant de précision & de justesse.
Telle est la description du dégoût que le mariage entraîne quelquefois après lui. Quand on est amoureux on ne se montre que du beau côté. Un homme qui veut plaire a grand soin de cacher ses défauts. Une femme sçait encore mieux dissimuler. Souvent deux personnes travaillent pendant six mois à se tromper ; elles s’épousent à la fin, & se punissent mutuellement le reste de leur vie de leur dissimulation.
Avoue, mon cher Isaac, qu’il regne une vérité & une précision dans ce portrait qui saisit l’esprit. Ces pensées développées se présentent avec éclat, à l’imagination, & la flatent par leur justesse. Si les auteurs qui écrivent des romans dans ce goût nouveau, toujours attachés au vrai, ne se laissent point entraîner à quelque nouvelle mode, (car les ouvrages d’esprit y sont sujets) il y a apparence que leurs écrits seront aussi utiles pour former les mœurs que la comédie, puisqu’on rendra les romans le tableau de la vie humaine, Un avare s’y verra dépeint par des traits si naturels ; une coquette y reconnoîtra son portrait si ressemblant, que la réflexion qu’entraîne la lecture leur sera plus utile que les longues exhortations d’un moine