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taire l’envie, & la force d’avouer que le mérite est joint aux grandeurs, & quelles en sont le juste prix.

Je t’ai marqué dans ma dernière lettre combien peu la plus grande partie des Génois étoit sensible à la vraie gloire & au bien de leur patrie. Aussi depuis près de trois cent ans, cette république a toujours diminué. L’avidité des gens en charge, & la mésintelligence qui regnoit entr’eux, a causé les pertes de cet état. La ville de Savone, qui n’est qu’à huit lieues de Gènes, s’étant révoltée plusieurs fois contre les vexations dont on l’accabloit, on agita dans le sénat si on la détruiroit entiérement. Messieurs, dit un sénateur de la maison Doria, je vous conseille d’envoyer à Savone un gouverneur comme les deux derniers qui y ont commandé. Puisque vous êtes dans le dessein de détruire entièrement cette ville, vous ne sçauriez vous servir d’un meilleur expédient. Une aussi sage ironie que celle-là fit revenir le sénat de son égarement : on fit rendre compte aux deux derniers gouverneurs ; & on les punit de leurs malversations.

Si l’on eût tenu la même conduite à l’égard de l’Isle de Corse, de la révolte de laquelle je t’ai déja parlé, ce royaume seroit encore dans l’obéissance qu’il devoit à ses souverains. Au commencement du soulevement des Corses, les Génois