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Et pour qu’il puisse distribuer ses récompenses & ses peines, il faut que nous soyions hors de ce monde, & que l’ame soit immortelle. Vainement objecteroit-on que Dieu peut punir & récompenser dans ce monde. Il le peut sans doute ; mais il le fait rarement. Car l’expérience journalière nous démontre clairement que de grands scélérats ont joui d’un bonheur parfait jusqu’à leur mort. De la prospérité des méchans, je tire un nouvel argument pour l’immortalité de l’ame. Dieu seroit injuste, ce qui ne se peut pas, si, ayant ordonné aux hommes d’éviter le mal & de faire le bien, il favorisoit ceux qui lui désobéissent, & punissoit ceux qui le servent. Il faut donc qu’il réserve nécessairement des biens & des récompenses après le trépas. Je sçais que quelques impies & quelques scélérats ont soutenu qu’il n’y avoit ni bien ni mal ; & que le seul préjugé des hommes en formoit la différence. Les bêtes font honte à ceux qui ont poussé leur aveuglément jusqu’à soutenir une thèse aussi extravagante. Elles respectent celles qui sont de leur espèce. Un chien n’oseroit mordre son maître ; il le regarde comme son bienfaiteur ; & il souffre de lui ce qu’il n’endureroit pas d’un autre. Il sent & connoît que l’ingratitude est un mal : &