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à rejetter celles qu’ils apperçoivent y être contraires qu’à les sçavoir généralement toutes, pour les défendre, & les embrasser aveuglément, sans qu’elles aient besoin d’autres preuves que d’être dans les ouvrages de ces anciens.

Un autre effet dangereux que produit quelquefois la lecture des anciens, c’est qu’elle met une confusion étrange dans les idées de ceux qui s’y appliquent sans sçavoir comment ils doivent se conduire dans cette sorte d’étude. Il est fort utile de lire les anciens, quand ou médite sur ce qu’on lit, qu’on réfléchit sur les sentimens qu’on appercoit dans leurs ouvrages, qu’on regarde les auteurs Grecs & Romains comme de grands hommes, pourtant sujets à l’humanité, & par conséquent capables de faire des fautes. On peut alors profiter beaucoup : mais lorsqu’on s’entête d’un écrivain, uniquement parce qu’il est ancien ; & qu’on fait son but principal de sçavoir tout ce qu’il a cru, sans se soucier de ce qu’il faut réellement croire ; on agit alors aussi peu sensément, qu’un homme qui préféreroit une vieille médaille de bronze gâtée & effacée, à une piéce d’or moderne, belle par la gravure, & d’un grand prix par sa grosseur.

Est-il rien de précieux que la vérité ?