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bêtes, elles ne l’éclairent guère plus. Quelle immense différence de la pénétration de Descartes à l’aveuglement & à l’ignorance de ce paysan ! Je regarde avec étonnement ce philosophe mesurer le cours des astres, en connoître l’éloignement, prédire jusques dans les siécles les plus éloignés leurs élipses & leurs mouvemens. Je suis encore plus surpris lorsqu’il m’apprend à me connoître moi-même ; & que me developpant l’ame des corps qui la cachent à mes yeux, il en rend l’essence sensible, & m’en prouve la spiritualité. Ses raisonnemens, la justesse de ses pensées en sont des argumens invincibles. Je fais grace au paysan en faveur du philosophe.

Les docteurs nazaréens se sont récriés contre l’opinion qui range les bêtes au rang des simples machines. Ils ont mal fait de s’opposer au systême le plus convenable à la spiritualité de l’ame des hommes. Car si l’on soutient que les bêtes ont une ame matérielle, on accorde que la force motrice, & la faculté de penser ne sont point incompatibles avec la matière. Or si la matière peut s’élever jusqu’à un certain point de connoissance & d’entendement, en subtilisant davantage cette matière, elle peut s’élever à un plus haut dégré de perfection : du chien, parvenir