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Isaac Onis, caraïte, autrefois rabbin de Constantinople, à Aaron Monceca.

Depuis huit jours, mon cher Monceca, j’ai abandonné pour toujours la ville impériale : & j’en suis sorti, graces au Dieu de nos peres, sans qu’il me soit arrivé aucun fâcheux accident. Mes anciens confreres ont ignoré la cause de mon départ. Je leur ai persuadé que j’allois faire un voyage à Smyrne pour quelques affaires. Je suis arrivé heureusement dans cette ville, d’où je compte partir bientôt pour le Caire.

J’ai quitté sans regret la ville impériale ; le séjour m’en étoit moins gracieux que tu ne pensois : je voyois sans cesse mille objets qui révoltoient mon esprit & mes sens ; je ne pouvois faire usage de ma philosophie dans un pays aussi agité, où le crime & la révolte, le meurtre, l’avarice & la cruauté blessoient sans cesse mon imagination. Je regarde l’empire Ottoman comme une boucherie, dont les sultans & les visirs sont les bouchers, qui sacrifient &