Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’abord les deux François morts, & pendus au plancher. Il crut que sa dernière heure étoit arrivée. On le ramena devant les sénateurs. Celui qui présidoit, lui dit gravement : Taisez-vous une autrefois, mon ami ; notre république n’a pas besoin d’un défenseur de votre espèce. On le congédia ensuite. Ce pauvre Génois, saisi & épouvanté de ce qu’il venoit de voir, ne retourna seulement pas prendre congé des moines chez qui il travailloit : il sortit dans l’instant de Venise, & jura bien de n’y rentrer jamais.

Si l’inquisition d’état est si fort à craindre dans ce pays, celle de l’église n’y a aucun pouvoir. Ce tribunal, que les nazaréens appellent le saint office, est composé du pere inquisiteur, du nonce du pape résidant à Venise, du patriarche de la ville, qui est noble Vénitien & de deux autres nobles qui sont choisis parmi les principaux sénateurs, & sans la présence desquels tout ce qu’on fait est nul & n’a aucun crédit. Les biens de ceux que condamne l’inquisition, vont à leurs héritiers : ainsi, les moines à Venise, n’ont ni le pouvoir de tyranniser les gens, ni celui de s’emparer de leurs biens. Les livres, de quelque façon qu’ils soient écrits, & de quelque matière qu’ils traitent, ne sont