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Cela n’empêcha pas qu’on ne les imprimât publiquement à Venise dans le tems même de leur condamnation, & qu’on n’en fît dans la suite grand nombre d’autres éditions sous les yeux même des magistrats.

Les Vénitiens en général, ne sont ni aussi vifs, ni aussi inventifs que certains peuples d’Italie. Les réflexions qu’ils font sur les choses qu’ils veulent entreprendre, occasionnent leur lenteur. Ils examinent mûrement une affaire avant que de la commencer : aussi la conduisent-ils presque toujours heureusement à sa fin. Ils sont magnifiques, artificieux & fort discrets. Leurs femmes sont fières, insolentes ; & si elles ont des vertus, rarement la chasteté est-elle du nombre. Les dames pensent à Venise d’une manière assez tendre, leur sagesse ne résiste pas à l’occasion. Les bourgeoises imitent leur exemple. Quant aux femmes des artisans & du bas-peuple, la galanterie chez elles est un commerce public qui a ses règles & ses maximes. De dix filles qui s’abandonnent, il y en a neuf dont les meres ou les tantes font elles-mêmes le marché, & conviennent long-tems d’avance du prix de leur virginité, pour les livrer, dès qu’elles auront atteint un âge, moyennant cent ou deux cent ducats ; afin, disent-elles, d’avoir de