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de s’en dispenser eux-mêmes. Ils ont cru qu’ils étoient en droit d’exiger des femmes qu’elles surmontassent la voie de la nature, tandis qu’ils se sont accordé le privilège de prévenir tous leurs desirs, & de céder à tous leurs mouvemens. Il faut donc, pour juger de l’humeur volage qu’on dit être le partage du beau sexe, réduire les choses dans une juste équité, ne pas leur demander des actions impossibles ; examiner, préjugé à part, si quelque légéreté qu’on attribue aux femmes, elles ne sont pas encore cent fois moins inconstantes que les hommes.

Lorsqu’un petit-maître devient infidèle, sa conduite est justifiée par son état : il remplit son emploi, & personne ne se récrie sur sa perfidie. La maîtresse qu’il abandonne n’est qu’un triomphe de plus pour lui. Mais si elle veut se venger de l’infidélité de son amant ; si, pour le punir, ou pour le rappeller par la jalousie, elle lui donne un rival, c’en est fait, c’est une infidelle, une coquette, une volage. Toute la nation des amans la condamne sans retour : la même action qui fait la gloire du petit-maître, perd à jamais la femme qui a été assez malheureuse que d’avoir du goût pour lui.

Un mari jaloux, bizarre & bourru, bigot, se