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faire en sorte que les peines que souffrent les ames après la destruction des corps, les rendissent pures & dignes de jouir de sa vue ? Il n’est aucun théologien, je crois, de quelque religion qu’il soit, qui ose répondre que l’être tout-puissant ne puisse effacer les souillures d’une ame, quelque-grandes qu’elles soient. En tout cas qu’il s’en trouve quelqu’un, il faut le regarder, ou comme un athée qui borne le pouvoir de la divinité, & qui par conséquent veut l’anéantir, ou comme un imbécille qui n’a pas la moindre notion, non-seulement de la bonne philosophie, mais encore des idées générales de l’ordre. Je demande encore aux théologiens, si, lorsqu’on voit un homme qui souffre les peines qu’il a méritées, qui, cependant ne le rendent point plus vertueux ; & qu’on est le maître de lui en imposer de plus légères qui lui rendront son innocence, & qui lui feront haïr le vice ; quel parti on doit prendre, & quel est celui que dicte la clémence ? Tout homme qui n’est point privé de la raison, ne peut s’empêcher d’avouer que c’est le dernier qu’il faut choisir.

Or, puisque Dieu est le maître de terminer les peines des damnés, qu’il peut leur rendre ces peines utiles & profitables, pourquoi veut-on qu’il les rende éternelles & infructueuses, & que pouvant