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ne pas lui avoir fait faire un saut aussi périlleux, & lui défendit de se trouver jamais dans les lieux où il seroit.

Le desir immodéré de la gloire saisit quelquefois l’imagination des gens nés parmi le bas peuple. Un gardeur de chèvres d’un village auprès de Nîmes en Languedoc, n’ayant point de temple d’Ephèse à brûler, & ne voulant pas détruire quelque église nazaréenne, s’avisa, nouvel Erostrate, d’un expédient assez comique pour s’immortaliser dans son pays. Il attendit que les vignes fussent en fleurs ; & à l’aide d’un troupeau de deux cens chevres qu’il conduisit dans tous les vignobles, il vendangea trois ou quatre mois à l’avance, & priva tout le pays de la récolte du vin. On saisit ce gardeur de chèvres, & on lui demanda qui l’avoit poussé à faire une pareille action ? Il répondit, avec beaucoup de sang-froid, qu’il n’avoit point trouvé de meilleur expédient pour faire parler de lui après sa mort. Les juges, qui craignirent un desir pour la gloire aussi dangereux pour le pays, le condamnerent d’être enfermé à l’hôpital des insensés où il est mort.

J’en reviens aux philosophes anciens. Si les actions que quelques-uns d’entr’eux ont faites ne sont pas si nuisibles à la société, elles sont bien aussi extravagantes.