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été occasionnées que par le desir qu’ils avoient de s’acquérir la réputation d’hommes extraordinaires.

Quand je considère Diogène passant sa vie dans un tonneau, je le regarde comme un martyr perpétuel de sa vanité. Sa prétendue mortification & son austérité étoient les suites de son orgueil. Platon, dont le mérite réel n’avoit pas besoin d’être relevé par toutes ces mommeries, se promenant avec ses amis le long d’une rivière, quelqu’un d’entr’eux lui fit appercevoir Diogène qui étoit dans l’eau jusqu’au menton. C’étoit dans les plus grands froids de l’hyver : la superficie du fleuve étoit glacée, à la réserve du trou que Diogène avoit fait lui-même. Ne le regardez pas, & détournez les yeux d’un autre côté, dit Platon à son ami, il sortira bien-tôt de l’eau ; car il ne s’est donné la peine de s’y mettre, que parce qu’il nous a vû venir.

Le mépris que Platon faisoit des folies de Diogène, lui attira la haine de ce cynique. Il vint un jour chez lui ; & marchant avec beaucoup de mépris sur les riches tapis qui couvroient le pavé de la salle. Voyez, dit-il, comme je foule aux pieds l’orgueil de Platon. Oui, lui répondit Platon, mais avec beaucoup plus d’orgueil encore.

De tout tems la vanité semble avoir