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Lettre XL.

Aaron Monceca, à Isaac Onis, rabbin de Constantinople.

On arrêta hier ici un homme qu’on conduisit dans les prisons publiques ; mais à qui l’ancienne Grèce eût élevé des statues. C’étoit un hardi mendiant, auprès de qui Diogène eût paru un écolier. Il demandoit l’aumône avec un effronterie qui tenoit de l’insolence. Il injurioit ceux qui ne lui plaisoient pas. On a souffert pendant quelque tems ses incartades ; mais ayant eu la hardiesse d’entrer chez un fermier général, & de s’asseoir à table avec son habillement crasseux & déchiré, le maître de la maison, surpris de la liberté de cet homme, a voulu le faire chasser par ses gens. Le cynique moderne s’est répandu en invectives contre l’homme d’affaires ; & le résultat de ce différend s’est terminé par l’emprisonnement du philosophe.

On dit qu’il a véritablement du génie, & qu’il a embrassé ce genre de vie par un goût déterminé. C’est un malheur pour lui de n’être pas né il y a deux mille