Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une épouse & à la tendresse d’une maîtresse : c’est trop pour la sûreté des secrets qu’il leur confie.

Si j’étois souverain, j’agirois dans le choix de mes premiers ministres, à peu près de la même manière qu’agit le collège des cardinaux dans la nomination des souverains pontifes. Les foiblesses & les débauches de quelques-uns, élus dans un âge encore jeune, ont fait connoître aux nazaréens la nécessité d’avoir recours au seul moyen infaillible qui peut servir de digue aux passions du cœur. Ils ne confient l’encensoir qu’à des gens que l’âge a rendus incapables de certaines démarches.

Dans un état bien gouverné, il faut de vieux ministres & de jeunes généraux d’armée. Quand je dis jeunes, j’entens d’un âge mûr & sensé ; mais qui donne la liberté d’agir avec force & vigueur. Le ministre doit penser & réfléchir dans son cabinet : le général doit exécuter. Il faut au premier une prudence consommée qui ne soit point troublée par une fougue & une valeur qui fait l’ame & le caractère d’un militaire. Trop d’ardeur, trop d’amour pour la gloire, peuvent nuire au bien d’un état. Dans un âge où l’expérience manque, & n’a point encore toute son étendue, on confond souvent ses propres intérêts