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Je suivis le chevalier à la comédie. En y arrivant, nous trouvâmes que toutes les places étoient prises depuis long-tems ; à peine pûmes-nous trouver à nous asseoir. Dès que l’acteur eut dit quelques vers, on battit des mains pour applaudir. A la fin de toutes les scènes ce bruit recommençoit, & interrompoit l’attention des auditeurs. J’enrageois contre ces applaudissemens hors de propos. Dès que la comédie fut finie, je m’informai du chevalier pourquoi on n’attendoit pas la fin de la piéce pour applaudir ?

« La plûpart de ces gens, me dit-il, qui ont battu des mains étoient priés ou payés pour le faire. L’auteur, qui avoit une cabale considérable contre lui, auroit vû tomber sa piéce, s’il n’eût eu un parti plus fort & plus nombreux que ses ennemis. »

Mais pourquoi, répliquai-je, voulez-vous qu’elle n’eût pas réussi, puisqu’elle est excellente ?

« Ce n’est pas-là une raison, me répondit-il, pour la mettre à couvert de la critique. D’excellentes piéces du théâtre sont tombées au commencement ; & ce n’a été qu’avec le tems, que quelques gens de bon goût ont fait revenir le public. Pour une personne éclairée qui vient à la comédie, il y en a cent qui n’ont pas le sens