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s’entretenoit librement. Je crus que c’étoit quelque halle publique, & je n’eusse jamais soupçonné que ce fût un temple. En y entrant, j’apperçus à peu près ce que j’avais vu à l’académie de musique. Il y avoit un seul rang de tribunes qui formoit le même spectacle que celles de la salle de l’opéra. Une de ses tribunes étoit occupée par des musiciens, dont la symphonie me parut mélodieuse. Le milieu de cet édifice étoit rempli d’hommes & de femmes ; & la seule différence que j’y trouvois, c’est qu’ils étoient assis, au lieu que ceux qui sont dans le parterre se tiennent debout. Chacun parloit : je voyois des femmes tenir une conduite pareille à celle dont je m’étois apperçu au spectacle. Les hommes couroient avec un air de dissipation, faisant usage de leurs lorgnettes. Je n’avois point avec moi le chevalier de Maisin, qui auroit pû m’éclaircir de mon erreur.

Je n’étois jamais entré dans des églises de nazaréens : & ces lustres, ces images, ces tableaux qui s’offroient à mes yeux ; cette symphonie, qui frappoit mes oreilles, ne servoient point à m’éclaircir. A quelque chose près, j’avois vû & entendu à l’opéra, ce qui dans ce moment causoit mon erreur. Je n’osois confier mes doutes à personne. Je regardois