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que vous voyez sur ce théatre, sont excommuniés & séparés de notre église : ils sont regardés par nos prêtres comme indignes de la sépulture ; & cet avilissement occasionne une partie de leurs débauches. »

Pourquoi, ? lui dis-je, les souffre-t-on, pourquoi permet-on qu’on vienne les entendre, & qu’on serve de prétexte à leur perte ? »

« Le spectacle, répliqua-t-il, est nécessaire dans une grande ville. Il occupe agréablement le public : c’est un délassement pour les gens d’étude, & un amusement pour ceux du monde. Il épargne aux joueurs leurs bourses : il suspend la médisance & la calomnie chez les femmes ; & l’ivrognerie, les carillons, & les tapages, chez les jeunes gens. »

Comment donc, lui répondis-je, n’empêchez-vous pas vos prêtres de couvrir d’ignominie des personnes si utiles à la société ? Je vois que chez vous autres, la religion & l’état ont leurs maximes à part.

« Vous avez raison, me dit le chevalier : la nécessité le veut & l’exige de même. Si notre religion étoit aussi simple que la vôtre, nos prêtres auroient moins le moyen de l’embrouiller : elle approcheroit alors de la nature & du droit commun ; mais, chez nous, tout est mystere, tout est