Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

au-corps. Au lieu d’un bonnet fourré de peau de sousamour [1], qui tenoit ma tête chaude, je porte une perruque, qui ne peut me garantir du froid.

En vain j’ai voulu conserver mon ancien vêtement : il a fallu m’habiller à la Françoise, ou me résoudre à fixer sur moi les regards de tout Paris. Mon tailleur m’a assuré que mon habit étoit d’un goût galant fort à la mode. Un petit-maître, avec qui j’ai fait connoissance & qui loge dans le même hôtel où je suis, en a eu la direction. Il a voulu qu’on le fît sur le modele du sien, qui passe pour un chef-d’œuvre, & dont il est l’inventeur. Il m’a protesté qu’il avoit rêvé plus d’un mois à la seule façon des manches, & que le reste l’avoit occupé une grande partie de l’été.

Vous avez, lui ai-je dit, des affaires de peu de conséquence à régler, puisque vous consumez tant de tems à de pareilles bagatelles.

« Appellez-vous, m’a-t-il répondu, l’invention d’une nouvelle mode une bagatelle ? On voit bien que vous venez d’un pays barbare, d’où le bon goût est exilé. Il faut plus de talent, plus d’esprit, plus de science, pour régler la tournure

  1. Mot Turc qui signifie Martre Zibéline.