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mari, vous diriez qu’elle va suivre son sort. Elle s’enferme dans son appartement, que l’on dépouille de toutes les parures ordinaires : tableaux, miroir, tout est condamné. Une tapisserie noire & lugubre en fait tout l’ornement. On croiroit qu’elle est retirée dans un tombeau. Au moindre souvenir du défunt, ses yeux sont deux fontaines qui versent de l’eau en abondance. Ses cris, son désespoir éclatent dans le public. Voyez-la dans le particulier, elle écoute dès le premier jour, les consolations que lui donnent ses confidentes. Un ami prend soin de lui représenter, qu’elle est encore dans un âge où elle ne doit point s’enterrer vivante. »

Vous êtes jeune, aimable, belle, voudriez-vous ensevelir tant de charmes ? Il est peu d’hommes qui ne s’estiment heureux de succéder à votre époux. Croyez-moi, ma chere enfant : le conseil que je vous donne, je le prendrois pour moi. Vous n’ignorez pas quelle est la façon de penser du chevalier. Il avoit du goût pour vous, lorsque votre époux vivoit : pensez-vous qu’il ne le remplaçât pas avec plaisir ?

« La veuve, à ce discours, baisse les yeux, & fait la petite bouche. L’amant vient faire dans ce moment