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par des milliers de volumes. »

Que penses-tu, mon cher Isaac, de la confusion & du dérangement qui regne dans les coutumes & les mœurs des nazaréens ? Ils vantent tous les jours la beauté & la régularité de leur morale & l’adultere passe chez eux pour galanterie. Quelle différence de l’innocence d’Israël aux débauches des infidéles ! Nos femmes mettent leur plus grande gloire à n’aimer que leurs époux : c’est de leurs tendresses dont elles attendent cette lampe qui doit éclairer de l’un à l’autre hémisphere ; & si quelquefois l’humanité & la foiblesse l’emportent chez elles sur la sagesse & la raison, elles effacent la moitié de leur crime par les soins qu’elles prennent d’en ôter la connoissance au public.

Les nazaréens regardent l’infidélité des femmes comme un sujet inépuisable de plaisanteries & de bons mots. Cet officier, de qui j’étois compagnon de voyage, se moquoit de mon étonnement. Ses discours, sont si gravés dans mon esprit que je me servirai, autant que je pourrai des mêmes mots que lui, pour que mes expressions te paroissent aussi originales que les faits que je te raconterai.

« On voit bien, me disoit-il, que vous venez du bout du monde. Eh quoi ! une femme galante