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furent cinquante ou soixante ans sans voir aucun mortel. [1]

Cette solitude où ils s’étoient retirés, est une cessation de toutes les principales cérémonies auxquelles ils prétendent être inviolablement obligés. Comment pouvoient-ils assister le jour de leur sabba à leur office divin ? Comment participoient-ils aux sacrements de l’Eglise ? Car plusieurs d’eux n’étoient pas prêtres, & n’avoient point le droit de pouvoir en faire les fonctions. Ils avoient donc suspendu dans leur retraite l’exercice de toutes les cérémonies. On n’a pas laissé dans la suite du tems de les reconnoître pour saints.

Quant au reproche qu’on nous fait d’avoir un nombre de coutumes puériles, & qui ne sont point ordonnées par les

  1. S. Bernard assure que S. Paul hermite resta pendant soixante ans dans un désert, où il fut nourri miraculeusement par un corbeau, qui chaque jour lui apportoit la moitié d’un pain. Eia, inquit Paulus… sexaginta jam anni sunt, quod accipio dimidii semper panis fragmentum. (Hieronimi Epist. de vitâ Pauli heremitae, lib. 3).Il est donc certain qu’il y a eu des saints qui se sont dispensés pendant toute leur vie de prendre part aux sacremens & aux fêtes de l’église. Les moines Dominicains, qui ont écrit la vie de Magdelaine ont suppléé à cet inconvénient.Ils disent que les anges venoient tous les jours apporter la communion à la sainte dans sa grotte. S. Jérôme, sans avoir recours au même expédient, auroit pu faire communier également S. Paul. Il lui en auroit coûté très-peu de chose de supposer que la moitié du pain qu’apportoit le corbeau, avoit été auparavant consacrée par un prêtre. Un mensonge un peu plus gros, ou un peu plus petit, ce n’étoit pas là une grande affaire.