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qui a commencé alors d’exister, peut-être serez-vous embarrassé de le dire. La matiere dont vous êtes composé ne commença pas alors d’exister : parce que si cela étoit, elle ne seroit point éternelle. Elle commença seulement à être formée & arrangée de la maniere qu’il faut pour composer votre corps. Mais cette disposition de parties n’est pas vous : elle ne constitue pas ce principe pensant qui est en vous, & qui est vous même…

Quand est-ce donc que ce principe pensant qu’il est en vous a commencé d’exister ? S’il n’a jamais commencé d’exister, il faut donc que de toute éternité, vous ayez été un être pensant… Que si vous pouvez reconnoître qu’un être pensant a été fait de rien,…… pourquoi ne pouvez-vous reconnoître qu’une égale puissance puisse tirer du néant un être matériel ? [1]

C’est par la réflexion qu’on fait sur soi-même que Locke prouve la puissance du Créateur. Augustin se sert de la même objection. J’ai réfléchi, [2] dit-il, sur

  1. Locke, essai philosophique sur l’entendement hum. liv. 4., chap. 2, pag. 520.
  2. Et redii ad me, & intravi in me, & aio ad me : Tu qui es ? Et respondi mihi ; Homo rationalis & mortalis. Et incepi discutere, quid hoc esset, & dixi : Unde hoc tale animal, Domine Deus meus ? Unde, nisi abs te ? Tu fecisti me, & non ego ipse me. Quis tu per quem vivo ego ; tu per quem vivunt omnia ?… Dic, quaso per miserationes tuas, unde hoc animal, nisi abs te ? An quisquam sese faciendi erit Artifex ? An aliunde quam a te, traditur esse & vivere ? Nonne tu es summum esse, à quo est omne esse ? Quidquid est, à te est, quia sine te nihil est ? August. Soliloq.lib. cap. 31, num. 3& 4