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pérer de la Providence quand elle nous a marqué au berceau par un de ses dons les plus signalés et quand on sait, comme vous, l’adjurer dans une langue divine. »

Sur ces entrefaites et durant cette même année 4830, Barbier et Brizeux, les deux poètes des lamhes et de Mnrie^ passant par Lyon pour un voyage en Italie, eurent la bonne pensée de monter frapper à la porte de Marceline, et voici en quels termes Barbier raconte leur visite : « ... Ah ! messieurs, dit M’"® Desbordes après nous avoir fait asseoir, qu’il est aimable à vous d’être venus voir une pauvre hirondelle sous sa tuile ! — Chère dame, répondit Brizeux, passant par Lyon et sachant que vous y demeurez, nous n’avons eu garde d’oublier l’hirondelle. Ne porte-t-elle pas toujours bonheur... » Et l’on parla de la révolution qui venait de sévir à Lyon. « Cruauté partout, en haut comme en bas. Quel affreux monde que le nôtre !... Heureusement que la Muse est là qui veille sur ses enfants, et que de temps en temps elle vient les calmer et les rafraîchir du vent de ses ailes. Tenez, messieurs, il faut que je vous fasse part de la bonne fortune qui m’est arrivée cette année. » Et se levant, elle alla prendre une lettre et un cahier de papier dans son secrétaire. « M. de Lamartine a eu la bonté de me faire hommage d’une magnifique épître, et la voici avec sa lettre toute charmante. » Et elle nous fît la lecture de l’une et de l’autre, avec une voix pénétrante et attendrie... « Que c’est beau ! s’écria Brizeux -tout ému. Et vous avez répondu, madame ? — Certainement ! — Seriez-vous assez bonne pour nous montrer cette réponse ? — Est-ce bien possible, après Lamartine ? — Qui peut parler à Lamartine mieux que Valmore ? » dit Brizeux. Elle se prêta gracieusement à notre désir et nous lut cette ode plaintive que tout le monde connaît, et dans laquelle elle a si poétiquement décrit sa vie incertaine et malheureuse :

Ma pauvre lyre, c’est mon âme ;

Je n’ai su qu’aimer et souffrir.