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Avec ta destinée Tu n’entraînes que toi ; Que t’importe l’orage, Libre jouet des vents ? Moi, je crains le naufrage ; J’emporte mes enfants !

Cette pièce, dont on trouvera les touchantes autres strophes dans le volume des Reliquise de Marceline que l’éditeur Lemerre va faire lire^, Lamartine qui se plut à se les attribuer ’, y répondit aussitôt en adressant « à la pauvre petite comédienne de Lyon » les admirables stances que tout le monde connaît, avec ce billet dédicatoire : « Madame, j’ai lu dans* un Keepsake des vers de vous que j’ai voulu croire adressés à l’auteur des Harmonies poétiques. C’est un motif ou un prétexte que je ne vouais pas laisser échapper d’adresser moi-même un bien faible hommage à la femme dont l’admirable et touchant génie poétique m’a causé le plus d’émotion. » Mais quelle autre émotion dut être celle du maître quand il reçut, poste pour poste, à quelques jours de là et dans l’identique mesure des strophes qu’il avait adoptées, cette réponse que Lamartine lui-même s’empressa d’apprécier par la lettre qui suivit aussitôt ce poème disant, en derniers vers :

• Je suis l’indigente glaneuse Qui d’un peu d’épis oubliés A paré sa gerbe épineuse Quand ta charité lumineuse Verse du blé pur à mes pieds.

Le billet de Lamartine répondant, cette fois, pour de bon, disait à la pauvre femme, sa géniale correspondante : « Je suis payé au centuple et je rougis, en lisant vos vers, des éloges que vous donnez aux miens. Une de vos strophes vaut toutes les miennes. Je les sais par cœur. J’espère que la fortune rougira aussi de son injustice et vous accordera un sort indépendant et digne de vous. Il ne faut jamais déses-

1. Alph. LemexYe, CE ui^res poétiques de M™*" Desbordes- Valmore, t. IV qui vient de paraître, 192^ : Reliquiae^ par Boyer d’Agen,