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Chateaubriand, quand il demanderait plus tard son dernier repos dans sa terre natale de Bretagne :

Personne ne sera plus fier que moi d’avoir porté ma pierre au tombeau de notre plus g-rand poète, écrivit Lamartine, en 1839, à M, Hippolyte La Morvonnais ’, propagandiste de la souscription publique pour le monument funèbre de Saint-Malo. Le peu de poésie qui est dans mon âme, y a découlé de la sienne. Mon hommage n’est que de la reconnaissance et de la tendresse pour cette grande individualité de notre temps qui fera, je Tespère, attendre longtemps encore notre prévoyance.

Cet hommage presque posthume au vivant moribond, Lamartine le complétera plus tard en ces termes, après avoir étudié de près son olympien modèle chez M™® Récamier, la Vestale de l’Abbaye-au-Bois où elle entretenait une flamme qui n’eût jamais voulu s’éteindre :

C’était l’esprit le moins improvisateur qui ait jamais existé. Il laissait échapper de temps en temps un axiome, et se taisait pour en méditer un autre ; de là, sans doute, la recherche laborieuse de ses plus beaux écrits. 11 était un de ces hommes qu’on ne pouvait voir que vêtus ; la toilette était nécessaire à son génie. Aussi la draperie est-elle le défaut de son style, jamais le nu.

Que n’eut pas ajouté le pénétrant auteur des Entretiens littéraires à sa mordante critique si, connaissant aussi bien les faiblesses de Chateaubriand pour la tunique et la cnémide classiques, — à l’inverse de Napoléon qui posa à Canova sa statue d’Olympien tout nu, — il eût aussi connu cette confidence de M"^^ Desbordes-Valmore à sa fille Ondine : « Figure-toi que c’est moi qui suis le correcteur de M. de Ch. et que j’ai cinquante feuilles à surveiller. C’est inouï d’inconséquence. » Cette lettre du 12 octobre 1841 est précédée d’une autre où, le 30 août 1839, Marceline avait écrit à son mari :

1. Le 15 mai 1836, Chateaubriand avait écrit au même La Morvonnais : (( Tous les ans, je fais le projet d’aller revoir le lieu de ma naissance et, tous les ans le courage me manque... J’espère que vous voudrez bien quelquefois me donner de vos nouvelles et m’apprendre aussi un peu le progrès du monument : le temps me presse et j’aimerais à apprendre bientôt que mon lit est préparé. Ma roule a été longue, et je commence à avoir ^sommeil. »