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et jWouerais presque tous les sentiments qu’ils expriment. Mais ces vers n’étant pas de moi, Monsieur, mon silence serait une usurpation tacite d’un mérite qui ne m’appartient pas. J’ajouterai que, malgré le désir que je partage avec l’auteur de ces vers, de voir rentrer M. de Chateaubriand dans la patrie qu’il a honorée de tant de gloire, et qui réclame sous tous les drapeaux le secours de ses plus dignes citoyens, je n’aurais pas dit à cet homme aussi illustre par la générosité que par le talent :

Cesse de t’attacher aux débris du naufrage.

Je sais que l’infortune a toujours été une séduction pour M. de

Chateaubriand et j’aurais respecté celle-là.

Agréez, M. ..

A. DE Lamartine^.

Saint-Point, 14 octobre 1831 .

On s’étonnera peut-être que Lamartine n’ait pas adressé cette protestation à Chateaubriand, en parlant à sa personne et en lui dénonçant Tauteur probable de cette supercherie littéraire dont il avait, Tannée précédente, appris à connaître le nom et le talent véritables, après un incident à peu près semblable qui le fît correspondre si sympathiquement avec M^^® Desbordes- Valmore. Nous le signalerons plus loin, en reproduisant un passage de la pièce douloureuse adressée à un autre A. de L., de combien moins célèbre que le maître déjà immortel des Méditations et des Harmonies. Mais pour correspondre avec Chateaubriand, dont les proses royales ne pouvaient pardonner aux poésies souveraines de Lamartine de lui disputer la couronne, il eût fallu que le grand aîné eût accepté de rendre au grand cadet un hommage que l’auteur des Mémoires dOutre-Tombe ne put se résoudre à formuler, alors que son survivant écrirait, de

d. Cette lettre de Lamartine ne figure pas dans sa Correspondance eu six volumes que sa nièce, M’i* Valonlinc de Cessiat, a publiée chez Hachette, en 1892. — D’autre part, la Revue des Deux Mondes (jui la commente dans sa « Révolution de la Quinzaine » du 1^ décembre 1831, écrit : (( Sa lettre est un modèle de méchanceté cruelle. Cela apprendra une antre fois à nos connaisseurs h mieux se connaître en poésie et à ne pas voir M. de Lamartine dans chaque mélodie imitée et bâtarde ; à ne pas changer en de grands noms de fort modestes initiales. Quelle bévue étrange ! Deux noms compromis : M. de Lamartine et M. de Chateaubriand ; deux grands noms ! et tout cela, parce que les journaux de Paris ont voulu être plus instruits que le Journal des Débats ! » {loc. cit., p. 217j.