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xiv
DISCOURS PRÉLIMIN.

de lire ses ouvrages, cela est encore plus utile dans les matières de critique : la moindre variation dans une expression, dans un mot, aggrave, augmente ou diminue, et atténue le sentiment d’un auteur. C’est un juge qui doit prononcer son arrêt de sa propre bouche, et cet arrêt court le risque d’être altéré dès qu’il passe par celle d’un autre. D’ailleurs dans des matières sujettes à la dispute, et dans lesquelles il faut toujours prouver les faits que l’on avance, par l’autorité de ceux de qui on les prend, les citations originales deviennent d’une absolue nécessité, pour vérifier l’exactitude des passages dont on pourrait chicaner le sens dans la traduction. Mr. Bayle, le plus grand et le plus ingénieux des critiques, a toujours suivi invariablement cette utile maxime. « C’est aller, dit-il, contre la nature des choses, que de prétendre, que dans un ouvrage destiné à prouver et à éclairer des faits, l’auteur ne se doit servir que de ses propres pensées, ou que pour le moins il doit citer rarement. » Bayle, Réponses aux questions d’un Provincial. Tom. I. Préface p. 4.

Il est aussi opposé à la raison de ne pas convenir du principe qu’établit ici Mr. Bayle, que de prétendre qu’un avocat ne doit pas faire mention, dans son plaidoyer, des pièces qui servent au gain de sa cause, et qu’il faut en supprimer la lecture comme inutile au procès, quoique ces pièces soient pourtant les seules choses sur lesquelles les juges puissent fonder leurs décisions.