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VEUVAGE BLANC

puisque j’y gagnerai une douce et gracieuse présence qui sera le soleil de ma vieillesse.

Par suite du désordre de sa pensée, Louise demeurait muette. Des larmes dont elle n’aurait su dire la nature lui montaient aux yeux.

— Deux mots encore, reprit le général. Jusqu’à présent, je n’ai exposé que les bons côtés pour vous et pour moi de… de cet arrangement. Reste à examiner les objections. D’abord le ridicule d’une union tellement disproportionnée qu’elle en prendrait même quelque chose d’odieux…

— Comment pouvez-vous dire ?…

— C’est le monde qui le dira. Mettez-vous à sa place. On me traitera de vieux fou… Cela m’est de peu. Que par ainsi vous trouviez la sécurité et la paix, et qu’importe les criailleries ? Comme le disent les Arabes : le chien aboie, la caravane passe… Sur un point toutefois seraient-elles justifiées peut-être. Ne dois-je pas me faire scrupule d’enchaîner votre jeunesse ? À cela, il est vrai, pourvoira le cours naturel des choses. J’ai des motifs de ne pas me croire destiné à une très longue vie…

— Oh ! général…

Les joues de Louise s’étaient empourprées.

— Eh quoi ?… C’est moi qui parle. Dieu fera de moi à sa volonté, mais selon toutes vraisemblances humaines, vous serez libre assez tôt pour connaître l’amour d’un mari… Chut ! chut ! fit-il avec une bonhomie douce, pas d’observations…

Se levant, il ajouta :

— Pas non plus de réponse aujourd’hui. Je ne veux point vous prendre par surprise. Réfléchissez. Consultez votre raison. Votre cœur aussi, car après tout c’est bien lui que je sollicite… un cœur filial… Pour me le donner néanmoins dans des conditions si particulières, encore faut-il que vous en soyez entièrement