Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
VEUVAGE BLANC

échange de paroles. Je ne suis pas partisan de ces engagement» à longue et aussi incertaine échéance… Mais eussent-ils fait semblable folie, mon fils du moins l’aurait loyalement avoué à sa mère et à moi.

— Et s’il a craint que vous le désapprouviez ? Tant que cette jeune fille se trouve sous votre toit…

— Sommes-nous donc des ogres ? Mais elle-même qui a tant de dignité, de délicatesse, est-ce qu’elle aurait accepté une situation aussi équivoque ?

Vivement le général se récria :

— Non, non, certainement non.

— Eh bien alors ?… Qu’as-tu donc, Charles, à vouloir absolument que ces enfants soient amoureux l’un de l’autre ?

— Je ne veux rien du tout, bien au contraire… C’est-à-dire, se reprit-il, que si les circonstances, les conditions matérielles l’eussent permis, leur union je crois, aurait été pour le bonheur de tous les deux. Et leur portant à tous les deux un affectueux intérêt je l’aurais souhaité de grand cœur. Mais tu as raison : c’était impossible.

Les jours qui suivirent, le général fréquenta chez les Sigebert plus assidûment que jamais. Et sans que cela parût, ayant appris à lire en elle, il étudiait attentivement Louise. Non certes : nul secret ne se dissimulait derrière ce front pur. Mais un chagrin ? Pas davantage ne le discerna-t-il. L’ombre dont était voilé le frais visage se justifiait assez par le drame d’hier, par les angoisses de demain. Plus expert à jauger la valeur des hommes, son observation ne pénétrait-elle pas assez avant dans le jardin réservé d’un cœur féminin à la fois tendre et fier ? Bah ! il allait bien savoir…

— Oui, monsieur le général, tout le monde est parti à la ville pour une noce.