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VEUVAGE BLANC

pour voir. L’affectueux aboi du vieux braque enroué témoignait assez que c’était un ami. Celui-ci, de son côté, percevant au-dessus de lui un bruit léger, leva la tête.

— C’est vous, cousine Louise ?

— J’allais vous poser la même question, cousin Claude.

— La chaleur est étouffante, à n’y pas tenir dans les chambres. Cela ne vous dirait rien de descendre faire un tour ?

— Il est un peu trop tard.

Imperceptible avait été l’hésitation. Et encore que sans sécheresse, le ton du refus décourageait l’insistance.

— Alors causons, dit-il.

— Causons.

Mais ils demeurèrent sans se rien dire.

La fenêtre de Louise donnait sur le toit plat d’une pièce du rez-de-chaussée, construite postérieurement, et qui faisait avant-corps sur le jardin. On l’avait aménagé en façon de terrasse. Un jasmin de Virginie qui y grimpait tordait ses rameaux par-dessus les balustres de briques en bordure. Afin d’atténuer la chaleur rayonnante de la couverture en zinc on y avait disposé quelques grenadiers et lauriers-roses dans leurs jarres de grès verdâtre, entre lesquelles courait un treillage où s’accrochaient capucines et volubilis. Ce petit jardin suspendu, désigné dans la famille sous le nom de « Babylone », était l’invention de Ludivine qui, en l’honneur de sa cousine, l’avait perfectionné. Dans des caisses vertes, elle avait semé du réséda repiqué des héliotropes. Avec des branches d’osier où s’enroulaient des gobéas, elle avait édifié une petite tonnelle. Comme on y pouvait accéder uniquement, par cette fenêtre, c’est par un marche-pied à plusieurs échelons qu’on y descendait pour arroser les plantes ;