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accueilli l’attention. Le plateau est encore là, sur la table de laque ; le samovar s’est éteint, la théière s’est refroidie. Et l’orpheline est seule. Quelques amies, à la vérité, l’ont entourée depuis le tragique événement, ce matin l’ont soutenue sur ce chemin de croix de l’église, du cimetière, l’ont ramenée chez elle quand tout fut consommé. Elles l’ont assurée de leur sympathie, lui ont fait des offres de service. Puis elles sont retournées à leurs affaires, à leurs plaisirs. Elle est seule, anéantie, abîmée dans son chagrin, plus cruel cent fois que celui habituellement causé par la mort d’un père.

Une sonnerie électrique la fait tressaillir. Le cousin Sigebert sans doute qui rentre. N’ouvre-t-on donc point, et faut-il qu’elle y aille ? Mais si : voilà qu’on parle dans l’antichambre. C’est bien la grosse voix enrouée du notaire qui répond à celle, respectueusement étouffée, de Joseph. Retombée sur le siège où, depuis plusieurs heures, elle demeure comme paralysée dans son accablement, elle n’entend pas le colloque et les brusques répliques de son cousin aux insinuations obséquieuses et sournoises du valet de chambre.

— Mais oui, mais oui, ne vous inquiétez point… Vous êtes créanciers privilégiés… Si mademoiselle restera ici ?… Non pas, dites à la femme de chambre de préparer ses malles… Je l’emmène chez moi. Dans quelques jours je reviendrai. Pour le moment vous êtes gardien des scellés. Tenez-vous tranquille et prenez soin de tout.

Aussitôt que Me Sigebert est entré dans le salon, suivi du domestique qui tourno les commutateurs, la jeune fille se dresse, angoissée. Lorsque, repris de zèle pour le service depuis qu’il se sait investi d’un privilège, Joseph a baissé les stores de soie claire, remis en ordre quelques meubles, qu’il est sorti enfin, empor­-