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VEUVAGE BLANC

Après un instant de réflexion, Randolph Curtis conclut :

— Mais puisque vous n’êtes pas amoureux de votre cousine, ce que je viens de dire ne signifie rien.

— Rien du tout.

Jusqu’à destination Claude demeura quasi muet, enveloppant de la fumée de cigarettes renouvelées sans cesse une mauvaise humeur dont il eût été bien empêché de donner le motif…

Les plus attardées condoléances maintenant épuisées, l’orpheline recevait peu de lettres. Ce ne sont pas les morts seuls qui vont vite. M. Fresnay avait eu moins d’amis que de relations. Pour avoir pu se créer un milieu, sa fille était trop jeune. Et aujourd’hui, autour du trou fait dans l’eau par la pierre qui y tombe, déjà s’agrandissaient les ronds concentriques dont bientôt s’effacera toute trace. Un matin, Julie ayant pris le courrier des mains du facteur, chercha Louise. Elle la trouva assise sur les marches du perron, aidant Ludivine à regarnir les jardinières du salon de fleurs et de mousse fraîches.

— Une lettre pour vous, Louise… une lettre d’Angleterre.

De voir une vive rougeur envahir le visage de sa cousine, elle fut incompréhensiblement choquée. Et de sa voix la plus pointue :

— Des nouvelles de M. Curtis, peut-être ? Il vous donne la préférence.

Vivement Ludivine vint à la rescousse.

— Sais-tu s’il est capable d’écrire proprement le français ?… C’est bien autre chose que de parler. Et qui sait l’anglais ici, excepté Louise ?

— Surtout ce serait tellement préférable de ne pas épiloguer sur la correspondance du prochain.

Elles n’avaient pas vu Claude, accoudé derrière elles à une fenêtre du rez-de-chaussée.