Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
VEUVAGE BLANC

grande onde d’amertume cependant noyait le cœur de la triste orpheline qui, de son propre avenir à elle, faible, sans armes, de cet avenir si incertain encore, savait seulement que ce serait un humble, un précaire destin.


CHAPITRE VII


Essoufflée, car, revenant de faire des emplettes au bourg, elle se trouvait un peu en retard, en déployant sa serviette Ludivine annonça :

— La nouvelle du jour : notre grand homme est ici… Eh bien ! oui, le général.

— Tu l’as rencontré ?

— Non, mais je tiens son arrivée de la métayère de la Saulaie qui allait aux provisions.

— Ce doit être lui alors que j’ai rencontré ce matin, dit Louise. Haute taille, moustache grise, la rosette… Il sortait du cimetière.

— Excepté quand il fait campagne — ce qui lui arrive le plus souvent possible — chaque année il vient visiter ses tombes. C’est bien vraiment un enfant de Bruyères, le général Thierry. Tous les siens y sont enterrés. Puis il règle les affaires de sa propriété, peu de chose en somme, et il regagne sa garnison.

— Cette fois-ci, paraît-il, c’est pour demeurer plusieurs mois.

— Par exemple !… Il serait donc en disponibilité ?

— Vous pensez bien, papa, que l’excellente Théodeberte, quoique verbeuse, ne m’en a pas dit aussi long, et pour cause, mais seulement qu’il est souffrant et a besoin de repos.

— Souffrant ? Cela ne lui ressemble guère. Un vrai « Français », Thierry, un chêne…

— Enfin, c’est sûr qu’il va faire séjour, car il a amené ses chevaux.