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VEUVAGE BLANC

n’importe guère. L’essentiel, c’est d’y être. Je serai vite au courant du métier, lequel, avec un peu de connaissance du bétail, que je possède, demande seulement de l’activité, de la vigueur, de l’endurance… tout cela, j’en ai à revendre, Dieu merci, enfin l’habitude et le goût du plein air et du cheval. L’anglais, je l’aurai vite appris, ayant d’ailleurs moins à parler aux humains qu’aux quadrupèdes. Et là-bas, après tout, c’est un vieux morceau de France, où notre langue a conservé droit de cité et où on n’a pas oublié la mère-patrie. Si avec une pareille entrée de jeu je perds la partie, c’est que je ne suis qu’un imbécile, et au pire, vaille que vaille, faute de faire fortune, je vivrai au large, sous le soleil du bon Dieu. Voilà de quoi nous sommes venus entretenir mon père et ma mère. Ils vont être un peu estomaqués… mais quoi ? c’est la vie… Eh ! bien, cousine Louise, m’approuvez-vous ?

— Je vous approuve, cousin Claude. Si j’avais été homme, il me semble que j’aurais embrassé une de ces professions en dehors, toutes d’énergie, au labeur un peu rude : soldat, marin, laboureur.

— Et chez nous, que faire en ce genre ? Tout est si étroit, si encombré… on se marche sur les pieds… Je suis très, très heureux que vous soyez de mon avis, car j’attache beaucoup de prix à votre jugement.

— Grand merci. Mais le vôtre est bien prompt, depuis combien d’heures nous connaissons-vous ?

— La sympathie, cousine, la sympathie… Elle renseigne bien mieux que de longs palabres…

Assez longtemps ils demeurèrent assis sur l’herbe dans le bois de bouleaux. Tout bouillonnant, Claude exposait ses projets, ses espoirs ; avec une ardente vivacité, il dépeignait l’existence nouvelle vers laquelle il allait, confiant, joyeux et fort, Louise l’écoutait. Bienveillante et douce, elle souriait à son cousin. Une