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VEUVAGE BLANC

Ludivine… Elles se trouvaient auprès de vous. Mais vous, qui sait auprès de qui vous vous trouveriez ?

Sur quoi, se mouchant avec force, le notaire avait clos un entretien qui le troublait.

— Bon, bon, ma chère petite, vous avez tout le temps de songer à cela. On en reparlera. Pour l’heure, il s’agit de vous remettre, de réfléchir, sans vous presser… Il peut arriver tant de choses…

En présence de toute difficulté il était pour les moyens dilatoires. Mais Louise ne professait pas son optimiste simplificateur. La force de son ferme bon sens lui tenant lieu d’expérience, elle ne se berçait point de mots. Elle ne voyait pas la vie dans le miroir menteur du roman tel que le concevait sa cousine Aurore, le roman niaisement facile où tout s’arrange vers la trois-centième page. Non que la vivace jeunesse, malgré tout, ne chantât en elle la chanson d’espoir. Mais sa confiance n’était pas faite d’illusions. Elle pensait seulement qu’à brebis tondue Dieu mesure le vent.

En attendant, elle se reprenait.

Louise, ce matin-là, s’était attardée à sa promenade. Quand l’angélus de midi, sonnant à la vieille abbatiale, l’avertit qu’il était temps de rentrer, elle se trouvait au débouché du petit chemin des bouleaux. Demeurant, indécise, à calculer si elle aurait plus court de prendre par la route ou de retourner sur ses pas le long du bois, son attention fut attirée par les aboiements de Porthos. Elle le vit qui détalait dans la direction d’un petit nuage de poussière d’où émergeait un tintement de grelot. — Porthos ! Porthos ! cria Louise, craignant un accident…

Et vivement elle s’avança sur la route, si bien que la collision se produisit à quelques pas d’elle.