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VEUVAGE BLANC

à la connaître, qui, loin de maudire le destin pour tout ce qui aggrave leur peine, lui sont reconnaissants des petites consolations propres à l’atténuer.

Cependant elle était une enfant encore, et qui de nous ne le redevient aux heures de détresse ?…

— Entrez, cria-t-elle, croyant entendre quelqu’un derrière la porte.

Personne ne répondant, elle ouvrit. C’était le vieux braque bleu. Ainsi que de droit, il entra. Comme Louise s’asseyait pour le caresser, il se serra tout contre elle, et lui allongea sur les genoux son museau humide. Plus encore — elle en eut un peu de honte — qu’à l’affectueux baiser de Ludivine qui, la dernière lui avait souhaité le bonsoir, l’orpheline fut sensible, à cet humble et muet témoignage. Nouant ses bras autour du cou de Porthos, doucement elle pleura sur la grosse tête dont la regardaient, graves et tendres, les bons yeux d’amour et de fidélité.


CHAPITRE V


La maison Sigebert est située à la lisière du bourg, son jardin, primitivement assez étroit, s’étant agrandi aux dépens du terrain de l’ancienne enceinte jetée bas, dont il englobe un soubassement de tour habillé de lierre. Une barrière sépare le potager d’un bout de pré qui descend en pente douce vers un étroit ruisseau assez profond, traversé par un pont rustique, au delà duquel un petit bois de bouleaux met son rideau de verdure légère devant la perspective sans relief des champs d’artichauts et de colza. Au long de la berge où des saules têtards alignent leurs grosses boules de feuillage pâle, un sentier herbu contourne le bois et s’en va tomber sur la grande route de Laon qui, un