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VEUVAGE BLANC

lui réservait d’années, dans la demeure qui l’avait vu naître, c’est en sage qu’il y organisa son existence, selon le plan naguère exposé à Me Sigebert. Toutefois renonça-t-il aux fouilles.

Ou’avait-il besoin de cet élément d’intérêt ? L’austère joie de découvrir sous les décombres des âges écoulés quelques armes rongées de rouille, des ossements réduits en cendre, le cédait à celle de regarder s’épanouir la jolie fleur de jeunesse dont s’ornait son foyer. Le souci de la rendre heureuse remplissait son vieux cœur. Craignant pour elle l’ennui de cette vie retirée, parfois lui proposait-il un petit séjour à Paris, pour qu’elle revît ses amis de naguère. Mais elle refusait.

— Je n’ai, lui disait-elle, de meilleur ami que vous. Et quand au reste, ne voyez-vous pas que je suis une âme campagnarde ? Mes plaisirs sont ici, avec mes bêtes, mes fleurs, même mes légumes. Ne vous moquez point… Ne s’est-il pas trouvé une lyre pour les chanter ?

Car on lisait à la Saulaie, on ne relisait pas seulement, et le mouvement littéraire y pénétrait. Par un renversement des rôles coutumiers, très justifiée en la circonstance, c’est la jeune femme qui avait pris charge des occupations actives, s’y entendant en effet à miracle et y trouvant un très vif intérêt. Lui, au contraire, mitigeait par l’étude le repos auquel il se complaisait plus qu’il ne s’y fût attendu.

— Ce n’est jamais trop tard, déclara-t-il, pour apprendre un peu tout ce qu’on ignore.

Le temps devait lui manquer pour s’instruire beaucoup.

Claude Sigebert s’était joint en amateur à une expédition d’ingénieurs dans la région polaire du lac du Grand Ours, vers le Klondyke, aux fins d’y prospec-