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toueur qui les emmenait, mon projet s’évanouissait avec le ruban bleu dans le ciel de chez nous.

(On entend un remorqueur qui s’annonce à une écluse.)
(L’orchestre enveloppe tout ce qui va suivre d’une légère symphonie : la paix des choses.)
LE PREMIER VIEUX.

On n’entendait ici, jadis, point de bruit, n’étaient l’appel des remorqueurs, le pas des chevaux sur le chemin de halage, le ronron sempiternel du barrage écumant de l’écluse proche, parfois une chanson et le cri des oiseaux.

LE SECOND VIEUX.

À présent il y a les autos qui pétaradent, le halètement des bateaux à moteur. On dirait des asthmatiques.

LE PREMIER VIEUX.

Et puis tout le boucan que font les troupes de touristes, en partie de plaisir, comme ils disent.

LE SECOND VIEUX.

Il faut leur pardonner, mon ami, car ils ne savent ce qu’ils perdent. La Meuse ne se donne bien qu’à ceux qui la respectent. Sa beauté n’apparaît qu’à ceux qui l’aiment, comme elle demande à être aimée, avec tendresse.

LE PREMIER VIEUX.

C’est une fée.

LE SECOND VIEUX.

C’est une déesse. Autrefois, dans les vieux temps, à certains endroits, on jetait dans ses eaux, comme une offrande, des pièces d’or.