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Gueux


Le parapet du quai, fait de granit rugueux,
bleuit, dans le soleil, son arête polie.
Car c’est l’endroit où, pour flâner, viennent les gueux
caresser de leur dos une pierre arrondie.

C’est là, tout près du banc où s’asseoient les plus vieux,
Que s’est tenu, depuis tout temps, l’aréopage,
Les coudes sur le mur, scrutant, de tous ses yeux
Qui passe… et brocardant chacun, à son passage.

Parfois, quand un toueur s’avance, dans un cri
Qui blesse la douceur du jour, ils se redressent.
Pas tous pourtant… le Zante ou bien le frère Henri
va dire qui s’en vient aux autres qui paressent.

Qu’il passe le toueur, qu’ils passent les chalands,
Qu’ils poursuivent, glissant, leur marche vagabonde !…
Qu’importe à tous ces gueux, narquois et nonchalants,
le monde tout entier, puisque, pour eux, le monde,

C’est cette eau… peut-il être au monde plus belle eau,
Où leur très simple vie, en riant, se reflète.
Est-il ailleurs, plus fier que le leur, un château
toits pareils à leurs toits d’ardoise violette ?