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— Moi aussi, j’ai été à la guerre, me dit-il en me montrant à son tour des papiers.

Il les déplia. Il me mit dans la main sa plaque d’identité, une mèche de cheveux aplatie par un long séjour dans le portefeuille, sa photographie en soldat de l’active à côté d’un meuble, en poilu à côté d’un seau, et celle d’un groupe de fantassins au milieu desquels il y avait un écriteau avec ces mots : « Les gars de la Ire C. M. Faut pas s’en faire. »

— Tu vois, celui-là ? et il posa son index sur la tête d’un soldat.

— Oui, je vois.

— Eh bien, il est mort, celui-là aussi.

Je faisais semblant de m’intéresser à tout cela, mais rien ne m’ennuie autant que les portefeuilles des autres et que ces photographies au verso crasseux. Pourtant, combien en ai-je vu, pendant la guerre, de portefeuilles et de photographies !

Si je n’avais pas été gris, je n’aurais certes pas étalé mes papiers. Ils ont dû ennuyer Billard.

Comme il cherchait encore dans une enveloppe, je craignis qu’il ne me montrât des femmes nues. Je déteste ces cartes postales. Elles ne font qu’accroître ma misère.