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yeux. Lui aussi avait fini de manger. En curant ses dents avec la langue, il faisait un bruit de baiser.

Il chercha du tabac dans ses poches. Sans hésiter, je lui offris une cigarette.

J’étais disposé à raconter ma vie et à dire, dans un accès de franchise, ce qui m’avait déplu en lui.

— Vous me semblez avoir bon cœur, monsieur Billard, dis-je en constatant que le vin avait changé ma voix.

— Oui, j’ai bon cœur.

— Il y a si peu de gens qui comprennent la vie.

— J’ai bon cœur, continua Billard, qui suivait son idée. Mais il faut être prudent, sinon on abuse de votre bonté. Vois-tu, Bâton, c’est pour un camarade que j’ai perdu ma place.

Ces paroles me déplurent encore et, pour trouver un point sur quoi nous eussions pu être d’accord, je sautai d’un sujet à l’autre.

— J’ai été à la guerre.

Je sortis mon portefeuille et lui montrai mon livret militaire avec mon nom, en grosses lettres, sur la couverture.