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encore sèche aux lèvres, lorsque je vis un homme qui stationnait près d’un bec de gaz. Je crus, d’abord, que c’était un mendiant, car ceux-ci sont souvent arrêtés.

Soudain, un cri, aussi involontaire qu’un hoquet, sortit de ma bouche.

L’homme, c’était Billard. Il avait un pardessus fripé comme en ont les noyés. Près du réverbère, à la clarté pâle de cette lumière en plein air, il roulait une cigarette.

— Bonjour, monsieur Billard.

Il se retourna, me regarda et ne me reconnut pas, ce qui me contraria. Cependant, j’excusai tout de suite son manque de mémoire. La nuit était épaisse. Ses yeux, habitués à la lumière du bec de gaz, ne me remettaient pas.

— C’est moi, Bâton.

Alors, il lécha le papier de sa cigarette dans la longueur.

J’attendis et, afin qu’il ne remarquât pas que je fumais une cigarette toute faite, je l’éteignis contre le mur et la mis dans ma poche.

— Où manges-tu ? me demanda-t-il.

— Où je mange ?

— Oui.

— N’importe où.