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ne sont pas au milieu de ses yeux : elles sont trop hautes, comme chez les alcooliques.

La salle sent le fût vide, les rats, la rinçure. Au-dessus du manchon à gaz, une hélice d’amiante ne tourne pas. À la nuit, le bec éclaire jusque sous les tables. Une affiche — Loi sur la répression de l’ivresse — est clouée au mur, bien en vue. Quelques pages dépassent la tranche imprimée d’un Bottin. Une glace tachée, grattée au verso, décore une paroi.

Je déjeune à une heure : l’après-midi me semble ainsi moins longue.

Deux maçons en blouse blanche, les joues tachetées de plâtre, boivent un café qui, par contraste, paraît bien noir.

Je m’installe dans un coin, le plus loin possible de l’entrée : je déteste m’asseoir près d’une porte. Des ouvriers ont mangé à ma place. Le papier d’un petit suisse, des œufs vides salissent la table.

Lucie est gentille avec moi. Elle me sert une soupe qui fume de partout, du pain frais qui fait des miettes, une assiette de légumes, parfois un morceau de viande.

Le repas terminé, la graisse fige sur mes lèvres.