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cariées. Elles ne tombent pas : elles se cassent. À l’aide d’une autre glace je surprends mon profil. Alors, j’ai l’impression d’être dédoublé. Les acteurs de cinéma doivent connaître cette joie.

Puis, j’ouvre ma fenêtre. La porte remue. Une gravure 1914-1918 clapote contre le mur. J’entends des tapis qu’on secoue. Je vois des toits de zinc bleus, des cheminées, une brume qui bouge quand un rayon de soleil la traverse, et la tour Eiffel avec son ascenseur au milieu.

Avant de sortir, je jette un coup d’œil sur ma chambre. Mon lit est déjà froid. Quelques plumes sortent à demi de l’édredon. Il y a des trous pour les barreaux, dans les pieds de ma chaise. Les deux segments d’une table ronde pendent.

Ce mobilier m’appartient. Un ami m’en a fait cadeau avant de mourir. Je l’ai désinfecté moi-même, avec du soufre, car je crains les maladies contagieuses. Malgré cette précaution, longtemps j’ai eu peur. Je veux vivre.

J’endosse mon pardessus, assez difficilement, car la doublure des manches en est décousue.

Je mets mon livret militaire, ma clef, mon